La photo animalière et de nature

Fév 2, 2024/ StephanePhotographe/ in: Photo nature/ with Comments are off for this post

Nous rêvons tous devant des images de nature exceptionnelles, magnifiques… Nous sommes saisis par une scène d’action à la lumière féerique, un pays lointain, des animaux exotiques… Pour beaucoup les festivals et leurs expositions donnent l’envie de se mettre à photographier la nature et les animaux. Mais que savons-nous de cette pratique qui s’est considérablement développée au fil du temps et avec l’avènement du numérique ?


1 / C’est quoi la photographie animalière et de nature ?

La photographie de nature est un vaste domaine qui regroupe des pratiques aussi différentes que la macrophotographie, l’affût des mammifères ou la photo de paysages. Elle ne peut-être réduite à un style et une seule approche.

Il conviendrait ici de définir ce qu’est la nature – ou ce qu’il en reste. Les zones préservées de l’action de l’homme sont devenues rares. De nombreux espaces naturels dépendent directement d’activités humaines pour leur gestion, leur conservation ou leur restauration. La régulation des espèces sauvages est appliquée dans nos contrées et les forêts sont exploitées, gérées, rasées, plantées…

En fait la nature est un tout dont nous faisons partie, du grand paysage sauvage au minuscule collembole, en passant par les lointaines galaxies d’un ciel d’été.

la photographie nature

2 / Une approche personnelle

Trop de photographes ont une approche purement technique et matérielle de la photographie animalière et de nature. Certains livres ou revues encouragent innocemment cette tendance. Pire encore certains sujets suscitent des effets de modes que certains se croient obliger d’imiter. D’autres photographes resteront frustrés de ne pouvoir accéder à certains types de matériels ou de ne pouvoir faire des voyages à l’autre bout du monde.

Posséder le matériel dernier cri , le meilleur objectif ou la dernière tenue de camouflage à la mode ne fera pas de vous un photographe animalier émérite.

Peu de photographes aspirants à la photographie de nature font l’effort de s’intéresser à leur sujet et de découvrir par eux mêmes des lieux ou des espèces vivantes. Autrefois, la passion naturaliste conduisait à la photo nature avec des personnes sensibilisées à la cause naturelle.

L’approche suppose une démarche physique et philosophique enrichissante basée sur la connaissance, la patience et la persévérance, sans rien exiger en retour.

Si vous ressentez la nature et ses vibrations, vous adoptez une manière d’être et de penser qui influe petit à petit vos comportements quotidiens ou même votre façon de jardiner…

Plutôt que de partir dans toutes les directions, posez-vous les bonnes questions :

– Quelles sont mes envies ?

– De quel matériel je dispose ou celui dont j’ai besoin ?

– Combien de temps puis-je consacrer à cette pratique et à quelle fréquence ?

– Suis-je en mesure de me lever tôt ou de me coucher tard pour ma passion ?

– Suis-je capable de passer une journée complète à l’affût inconfortable pour tirer le portrait d’un animal ?

– Suis-je prêt(e) à me vautrer parterre sur des sols improbables et à supporter les piqûres de moustiques ?

– Suis-je suffisamment disponible pour retourner plusieurs fois au même endroit en fonction de la saison et de la météo ?

Vos envies peuvent-être d’aller à la rencontre de la faune ou de la flore, de découvrir la proche région, de gravir des montagnes au lever du jour, de voyager ou d’explorer des milieux inconnus…

« Certains consomment la photographie de nature en mode rafale, oubliant l’essence même de l’approche de cette discipline particulière. »

3 / La connaissance des espèces et du terrain

Plus on s’intéresse à un sujet et plus on a envie d’en savoir plus. Il est relativement facile de découvrir une espèce vivante et de connaître son mode de vie ou ses exigences biologiques. Selon le cas il vous faudra définir un terrain de jeu et vous serez peut-être amené à visiter des milieux improbables comme une grotte ou un fossé insignifiant.

Pour les voyageurs, le choix est vaste entre un safari, un séjour pour découvrir le tigre ou le grizzli, un voyage en arctique et bien d’autres choses. On vous indiquera peut-être même l’endroit où vous placer pour faire l’image que tout le monde a fait des milliers de fois. Les querelles entre photographes font rage sur cette pratique du « spot nature » et sur l’affût payant.

Vous pouvez aussi choisir, plus simplement, un coin de jardin, une forêt toute proche, les champs cultivés ou les étangs de votre région.

Vous trouverez ci-dessous une liste de sites généraux pour explorer votre territoire et repérer la topographie des lieux :

Pour découvrir le terrain :

Pour découvrir les espèces et les milieux :

Prévoir la météo :

Vous trouverez également un grands nombre d’applications pour appareils Windows, Androïd ou iOS pour prévoir certains phénomènes météo (foudre, trajectoire du soleil ou de la lune…).

4 / Rendre le hasard prévisible

En règle générale, la bonne image de photo nature n’est pas le fruit du hasard et de l’improvisation, même si le facteur chance y tient un rôle important. Connaître son sujet est un minimum et plus on en sait moins on fera d’erreur. Lisez des revues comme La Hulotte, La salamandre. Plongez-vous dans des encyclopédies ou des ouvrages rédigés par Robert HAINARD ou Paul GEROUDET. Les revues comme Nat’Images ou Image et nature sont un moyen de découvrir les expériences de photographes tout comme le forum Benelux nature photo (http://www.beneluxnaturephoto.net/forumf/index.php)…

Avec les vidéos Youtube vous trouverez énormément sources d’information pour vous familiariser avec la technique de photo nature que ce soit d’un point de vue théorique ou pour des pratiques de terrain.

Avant de partir, planifiez votre sortie en fonction de la saison et provoquez la meilleure occasion pour obtenir la meilleure image. Avec les mammifères près de chez-vous ça ne marche pas à tous les coups mais le résultat et le plaisir peuvent être au rendez-vous.

5 / Patience et créativité

Certains sujets réclament plus de temps que d’autres, développer votre savoir-faire et votre sens artistique aussi. Les sujets saisonniers sont traités dans un temps relativement court. Certains instants éphémères n’ont lieu qu’une fois dans l’année et de manière incertaine. La recherche de l’espèce la plus rare n’est pas un but en soi et sans aller à l’autre bon du monde construisez votre propre vision de la nature en abordant différents sujets de manière différente.

Il faut savoir se mettre au « diapason » avec la nature, se lever tôt ou se coucher tard. N’ayez pas peur de rentrer bredouille mais envisagez plutôt de passer chaque moment dans la nature comme un instant unique. Persévérez et cherchez les meilleures lumière et les comportements naturels.

« A l’heure de l’intelligence artificielle, photographier l’authentique et le véritable me paraît essentiel en photographie animalière et de nature. C’est, avant tout, une question de philosophie. »

6 / Polyvalence ou spécialisation ?

Tôt ou tard, vous vous intéresserez à un sujet en particulier. Les spécialités ne manquent pas : chasseurs d’orages, astrophotographes, photos nocturne, photographes aériens ou « dronistes », hyper macrophotographes… En parcourant le Web et complétez vos connaissances techniques ou naturalistes. De Stéphane HETTE (http://artofbutterfly.com/) en passant par Vincent Munier (http://vincentmunier.com/) la liste des photographes de renom pourra vous inspirer ou vous donner des idées. Vous pourrez peut-être gagner du temps dans votre apprentissage en participant à un stage photo, auprès d’un professionnel, qui répondra à vos attentes.

Si le matériel conditionne en partie vos possibilités d’action, investissez à bon escient. Pour cela rien de tel que de se rapprocher de personnes passionnées prêtes à donner leurs conseils dans les salons ou les expositions locales. Le festival international de la photographie animalière et de nature de Montier en Der (Les portes du Der) est devenu un évènement incontournable dans le domaine avec la présence des plus grandes marques d’appareils photo et d’observation. Des sites spécialisés pourront vous donner un aperçu des tests de boîtiers ou d’objectifs : https://www.dxomark.com/ ou https://www.lesnumeriques.com/ et consultez les nombreux forums pour discuter avec des photographes amateurs ou avertis. N’oubliez pas que, pour débuter, la photographie de nature peut être réalisée avec n’importe quel matériel, y compris un smartphone !

7 / Partager sans rien attendre en retour

Le monde de la photographie et celui de la photo nature n’est pas toujours tendre en critiques. N’attendez pas de reconnaissance de la part des réseaux sociaux ou des forums, juste le plaisir de partager en écoutant les conseils avisés. Tentez un concours ou une exposition pour exprimer votre sensibilité et expliquer votre démarche. C’est une expérience enrichissante et complète. Le plus important est d’exprimer votre ressenti lorsque l’occasion se présente, par plaisir.

8 / S’évader et apprendre à mieux se connaître

En photographiant la nature, on apprend à aimer ce que l’on fait et à développer d’autres sensations. Vous aborderez la pratique avec une autre appréhension du temps. Les longues périodes d’attente et de silence dans le froid ou la chaleur, l’immobilité nous offrent des occasions de nous ressourcer ou de nous recentrer, de méditer, loin des tracas de la vie trépidante.

9 / Vers une étique de la pratique et la culture du sauvage

Si on considère que la nature est notre bien le plus précieux à transmettre aux futures générations, on ne peut qu’être extrêmement respectueux de l’environnement et des espèces vivantes. Photographier la nature est devenu un acte militant au même titre que mieux consommer ou que recycler et valoriser nos déchets. Aucune image de nature ne justifie de mettre en péril des espèces vivantes. Cela nous oblige à respecter les réglementation nationales ou locales et à minimiser les traces de son passage et à limiter les dérangements.

La nature qui nous entoure est de de moins en moins libre et sauvage et certains photographes se comportent en « paparazzis » animaliers. Il faut se garder d’encourager des pratiques douteuses utilisant des animaux « imprégnés » – voire drogués, capturés, manipulés, mutilés ou l’utilisation de nourrissages intensifs et soutenus – contre nature… De quelle façon êtes-vous prêt à « interférer » avec la faune ou la flore ? Connaissez-vous les statuts de protection ou les menaces qui pèsent sur l’espèce que vous êtes en train de photographier ? Il existe des listes rouges des espèces menacées ou en voie de disparition au niveau mondial, européen, national ou régional : https://uicn.fr/liste-rouge-mondiale/

Certaines images spectaculaires, vues dans des concours, des expositions ou des festivals, sont clairement obtenues avec des techniques ciblées et (on ose l’espérer) ponctuelles. Malheureusement d’autres ne tardent pas d’imiter, de généraliser à outrance ces techniques ou de les monétiser à travers des affûts payants (confortables et chauffés), quitte à rendre les animaux sauvages dépendants d’un nourrissage permanent entretenu à coup de motoneige et de carcasses de cochons…

Pour autant, ceux ou celles qui militent pour la protection d’espèces animales ou végétales à travers le monde et qui profitent d’aménagements artificiels pour témoigner de leur engagement et pour faire connaître leur action ne sont pas à blâmer. La LPO Champagne-Ardenne, impliquée dans le suivi des grues cendrées au lac du Der Chatecoq, propose de réserver des affûts spécifiques avec un accès avant le lever du jour et un départ à la tombée de la nuit. https://champagne-ardenne.lpo.fr/lpo-ca

Peut-on blâmer celui ou celle qui dispose une mangeoire ou un abreuvoir pour aider les passereaux à passer l’hiver et profite de cette occasion pour les observer et les photographier ?

Un photographe honnête, même professionnel, expliquera volontiers sa démarche et sa propre vision sur le monde naturel pour justifier son travail et ses connaissances.

Il s’agit de ne pas exploiter la nature par intérêt personnel dans le seul but de satisfaire son égo à travers des images spectaculaires. Tamron France et le Fonds international pour la protection des animaux (IFAW) ont tenté de définir une charte de la photographie animalière : https://www.ifaw.org/fr/campagnes/charte-photo-animaliere

Au final, respecter une éthique est avant tout une philosophie personnelle qui vous lie au monde vivant et qui vous dicte une ligne de conduite avec des limites à ne pas franchir « en pleine conscience » du respect du vivant.

11 / Peut-on devenir un photographe pro de la photo animalière ?

Pensez seulement que les meilleurs photographes animaliers et de nature restent avant tout des passionnés. Vivre de sa passion est une chose compliquée qui nécessite des sacrifices. C’est aussi un métier difficile qui ne se cantonne pas seulement à la prise de vue et au temps passé sur le terrain. Il n’y a pas besoin de formation spécifique mais une bonne connaissance scientifique ou de solides bases botaniques ou animalières sont un vrai plus.

Rares sont les photographes qui vivent exclusivement de ce type de photos (et même vidéo), notamment en raison d’un revenu peu élevé.