La photo d’oiseaux et de mammifères

Fév 3, 2021/ StephanePhotographe/ in: Photo nature/ with Comments are off for this post

Quelle est la meilleure façon de voir, d’approcher et de photographier les oiseaux ou les mammifères sauvages ? Adoptez la bonne attitude et découvrez les différentes techniques qui augmenteront vos chances de réussite tout en limitant les dérangements. Percez le secret du « FFMECBLOT » pour être invisible…


Photographier les oiseaux ou les mammifères

Saint Graal de la photographie animalière, la photographie d’oiseaux ou de mammifères regroupe les mêmes techniques de prise de vue. Il s’agit généralement de photographier la nature avec un super-téléobjectif.

La rencontre avec un mammifère sauvage, dans son milieu naturel, procure toujours un profond sentiment de satisfaction et d’émotion. Les oiseaux sont plus communément photographiés, car plus visibles et parfois proches de l’homme. Vous verrez aussi que certaines réglementations, limitations et interdictions sont là pour nous rappeler combien il est important de choyer ce qui devient de plus en plus rare et fragile : réserves intégrales ou zone de protection spéciale pour la faune sauvage, espèces protégées… une protection et un suivi particulièrement soutenu dans le milieu ornithologique par exemple. De votre comportement responsable, respectueux de la vie sauvage et des milieux naturels dépend votre réputation mais aussi vos chances de réussite. Limiter le dérangement, s’abstenir de mettre en danger une espèce vivante ou de perturber leur cycle de vie (nourrissage prolongé, photos au nid ou en période de reproduction, capture et manipulation temporaire…) sont autant de principes dont chacun fixera soigneusement les contours. A cela s’ajoute le respect des droits de la propriété privée ou publique selon la spécificité parfois saisonnière du terrain, les périodes d’exploitation forestière, de chasse ou de pêche.

photographier oiseaux mammifères

Le téléobjectif

Comme annoncé en introducton, la photographie d’oiseaux et de mammifères fait généralement appel à l’utilisation de longues focales de 300 à 500 mm (parfois plus) et de préférence stabilisées et lumineuses. La digiscopie (l’adaptation d’un appareil numérique sur une longue-vue) intéresse particulièrement les ornithologues et les obervateurs de la faune sauvage. Les lourdes focales nécessitent souvent d’utiliser un monopode ou un trépied. Il existe quelques exceptions avec la photo de micro mammifères et avec le piégeage photo.

L’usage de boîtiers APS-C restent un avantage en raison de la taille du capteur et d’un coefficient multiplicateur pour la focale x1,6,  x 1,5 voire x 2. Les appareils hybrides présentent l’énorme avantage de peser moins lourd sur les épaules et d’être silencieux.

Le trépied et la rotule

L’investissement dans un trépied de qualité ou en fibre de carbone pour le gain de poids sera apprécié à long terme. Je préfère un trépied haut permettant de photographier à hauteur d’œil sans déployer la colonne centrale. La rotule est tout aussi importante pour obtenir le maintien du poids et l’équilibre du matériel (avec un objectif équipé d’un collier de pied). J’ai une préférence pour la rotule Ball avec réglage à friction et la tête pendulaire qui autorise de bons suivis et qui peut aussi être utilisée en vidéo.

Les pratiques

La « chasse photographique » désigne plus particulièrement le fait de photographier un animal libre et sauvage vivant dans son milieu naturel pour en montrer son comportement. Pour y parvenir deux techniques principales s’imposent : l’approche et l’affût. L’ASCPF (Association Sportive de Chasse Photographique Française) fédère quelques amateurs du genre http://www.ascpf.com. Peut-être existe-il une association de photographes animaliers dans votre région.

1 : L’approche

La billebaude est un art de la chasse « devant soi sans plan arrêté ». En photographie de mammifères c’est sans doute la technique la moins productive car vous verrez le plus souvent le derrière de l’animal s’enfuyant ! Une tenue de camouflage permet de mieux se confondre dans l’environnement, reste encore à se fondre dans le décor et à marcher à l’ombre, se cacher le long ou derrière un arbre, s’accroupir ou s’allonger. Les animaux sont différemment sensibles aux couleurs mais ils perçoivent très bien les silouhettes, le mouvement ou les odeurs. Chaque espèce a une distance de fuite prédéfinie.

Facile à pratiquer, l’approche ne doit pas perturber à outrance les animaux. Il faut rester vigilent quand au dérangement aux abord d’un terrier ou d’un nid par exemple. L’approche est souvent le prtexte à une  balade photo sportive en vue de découvrir un territoire et, parfois, une occasion fugace de tirer le portrait d’un animal avant sa retraite forcée. Soyez conscients que vous n’êtes pas la seule cause de dérangement d’un animal et que celui-ci est toujours un facteur de stress pour l’animal sauvage.

2 : L’attente ou l’affût

Complémentaire à l’approche l’attente se réalise simplement sur un lieu choisi en fonction de la lumière ou près d’un lieu de passage… dans l’espoir de voir l’animal durant ses activités quotidiennes. Le petit siège pliant est un accessoire appréciable. Un filet de camouflage, généralement porté autour du cou, est placé sur l’objectif ou accroché aux branches au moment de l’attente.

L’affût demande un repérage, une préparation et requiert généralement l’autorisation du propriétaire des lieux pour y installer une petite construction avec les matériaux appropriés.. N’espérez pas mettre un affût n’importe où  en pleine nature sans qu’il ne soit soit vandalisé sur le long terme. Au mieux la tente affût permet de se poster, pour un temps limité, près d’un lieu de passage ou de terrain de chasse ou de gagnage.

L’utilisation du trépied permet de supporter le poids de l’objectif pendant un long moment sans mouvements suspects. Placez-vous à la bonne heure, à l’avance, à bon vent et au bon endroit pour mettre toutes les chances de votre côté. L’affût peut être pratiqué pour les mammifères ou pour les oiseaux et depuis un observatoire. La LPO Champagne-Ardenne, impliquée dans le suivi des grues cendrées au lac du der propose de réserver des affûts spécifiques avec un accès avant le lever du jour et un départ à la tombée de la nuit. https://champagne-ardenne.lpo.fr/lpo-ca

L’affût flottant permet de se déplacer dans de faibles profondeurs d’eau, voire plus. Il peut être fabriqué avec des jerricans. Là encore il faut trouver le bon endroit et obtenir l’autorisation avant d’y patauger.

L’attente et l’affût réclament de la patience et de la persévérance pour un confort relatif. L’avantage est de mieux observer les animaux et espérer fixer des comportements, des attitudes ou des ambiances.

3 : L’appeau ou la repasse

Certains animaux répondent, à certaines périodes de l’année, à des sons (bruits, cris, chants…). Vous pouvez, par exemple, tenter d’imiter un cri pour attirer un mammifère, joindre vos mains pour faire le chant de la chouette hulotte, utiliser un appeau pour oiseau ou un son enregistré. Intrigué par le son ou croyant à la présence d’un rival, l’animal s’approchera. Pratiqués, dans un but de découverte, l’appeau ou la repasse peuvent être assez perturbants pour l’animal. Chaque chant d’oiseau étant particulier, voire unique, abstenez-vous également de rediffuser le chant que vous venez d’enregistrer. Proscrivez cette technique à l’époque de la nidification ou des parades amoureuses.

« Je n’encourage pas l’utilisation de l’appeau ou de la repasse, parceque trop difficile et d’un intérêt limité. La plupart du temps , vous obtiendrez une photo, avec une attitude peu naturelle, d’un animal intrigué. »

4 : Le nourrissage, l’appât ou l’attractif

Le nourrissage est un dispositif maintenu dans la durée. Il est interdit de nourrir à longueur d’année la faune sauvage. Profitez plutôt de la période hivernale pour installer une mangeoire et aider les oiseaux à passer l’hiver. Installez un affût à proximité et initiez-vous à la photo d’oiseaux. N’oubliez pas que les va et vient incessant des passereaux attirera des prédateurs : l’épervier ou les chats du quartier.

L’été, par temps sec, le point d’eau (ou drink station) rendra service aux oiseaux ou aux mammifères à condition de le maintenir en eau régulièrement.

L’appât est d’un usage temporaire, parfois renouvelé dans le but d’attirer l’animal à un endroit précis. Charogne, viande, fruits ou graines seront utilisés selon les animaux ciblés.

L’usage d’appâts et qui plus est des appâts vivants fait débat dans le monde de la photographie animalière et de nature. Est-il éthique de détourner l’attention d’un animal dans le but d’obtenir une image ? Quelle sera votre limite entre placer des poissons dans un aquarium pour photographier le martin pêcheur en pleine action, utiliser une souris vivante pour prendre la chouette en pleine action ? La limite sera certainement celle que vous vous fixerez au regard de la maltraitance et de la cruauté animale. Sachez enfin qu’un photographe averti saura différencier certaines images obtenues avec des techniques d’appâtage de celles d’actions 100% naturelles.

On peut également signaler la sensibilité de certains mammifères à des odeurs ou à des attractifs. Il peut-être difficile de trouver les bonnes odeurs à utiliser pour l’espèce visée en fonction de la saison. Des leurres sont parfois utilisés pour les oiseaux. Si vous recourrez à ces techniques, limitez en les usages au strict minimum.

« Trop de perturbations nuisent à la cause naturelle, ne vous détournez pas d’un esprit naturaliste et ne créez pas créer de dépendances. Trop de perturbations modifient le comportement naturel des animaux. Préférez l’observation pour ne pas obtenir des images faussées  ! »

5 : Le piège photo

Parfois complémentaire au nourrissage et à l’appâtage le piège photo permet de réaliser certaines images impossibles à réaliser autrement. Ce sont par exemple une chauve-souris en vol buvant à la surface de l’eau ou la prise de vue d’une espère rare aux mœurs mal connus ou aléatoires… Il s’agit de dispositifs de déclenchements sonores, barrière infrarouge ou laser. Le piège photo fait souvent appel à des accessoires spéciaux et à l’ingéniosité du photographe. On pourrait y inclure le déclenchement à distance ou les appareils radiocommandés : véhicules ou drones. Le piège photo est le plus souvent utilisé dans un but documentaire.

Il existe également des caméras de surveillance destinées à connaître les endroits de passage ou les mœurs des mammifères diurnes et nocturnes. Jean Chevallier, illustrateur naturaliste en a fait l’expérience : https://www.jeanchevallier.fr/piegeage-photographique/

6 : La capture et la manipulation temporaire

La question de la capture peut se poser pour certains micro mammifères photographiés en terrarium. Sachez que les petits rongeurs sont très sensibles au stress et qu’ils peuvent en mourir. 

« Même dans le strict respect de la législation, autant éviter ce genre de technique sans connaissances ou accompagnement scientifique spécifique. »

S’il vous arrive par hasard d’avoir l’occasion de prendre un hérisson (espèce protégée) dans vos mains pour lui faire traverser la route forestière (par exemple); laissez le vite vivre sa vie là où il le souhaite. Rien ne vous empêche de lui tirer le portrait à cette occasion.

« N’oubliez pas que les animaux sauvages n’ont pas pour vocation à être domestiqués ni manipulés. Préférez (encore une fois de plus) l’observation ! »

Photographier les oiseaux sauvages

Plus communs et plus rependus, voire familiers, les oiseaux sont les plus photographiés. Ils se montrent volontiers sur des postes de chant au printemps, à la mangeoire en hiver, sur des secteurs de chasse ou de nidification. C’est ce dernier point qui reste délicat. Certains concours de photo nature bannissent purement et simplement les photos d’oiseaux au nid. On voit également des vidéos issues de « caméras de chasse » placées pour la surveillance de nids ou dans des nichoirs. Sachez simplement que votre présence à l’abord d’un nid perturbe fortement l’oiseau et que cela peut les exposer à la prédation. L’abandon de la couvaison peut provoquer l’échec de la nidification. Les oiseaux sont plus actifs après la naissance des petits lors du nourrissage incessant. Soyez attentifs aux cris d’alerte même si le nid est situé dans une boîte aux lettre ou dans votre abri de jardin.

Trop des photographes sont attirés par la rareté de l’espèce pour collectionner les clichés. Ne vous étonnez pas si certaines réglementations strictes s’appliquent lors des parades, de la nidification ou en toutes saisons pour des espèces devenues rares. Certains lieux sont également tenus secrets pour éviter les dérangements. C’est le cas pour le groupe Grand Tétra dans les Vosges qui veille sur les derniers oiseaux menacés d’extinction dans la région Grand-Est.

Photographier les mammifères sauvages

En dehors de la technique photographique on notera que les mammifères sauvages perçoivent les mouvements, les bruits et les odeurs avec discernement dans un milieu qu’ils connaissent généralement bien.

Leurs périodes d’activité sont essentiellement liées à la recherche de nourriture ou à la reproduction avec des variations saisonnières importantes. Ils sont actifs le jour ou principalement à l’aube ou au crépuscule, voire strictement nocturnes selon des facteurs environnementaux perturbants. La territorialité permet de mieux observer le comportement d’un animal et par conséquent de multiplier les chances de rencontre. On connaît par exemple le brame du cerf, un temps fort durant lequel il peut se montrer plus facilement.

La billebaude est certainement le meilleur moyen de débuter la photo de mammifères et d’observer les traces et les indices de présence.

Notez que les mammifères voient mal les couleurs mais qu’ils distinguent bien les formes, le mouvement, les odeurs et les bruits. Emprunté du langage militaire le « FFOMEC BLOT » est un moyen mnémotechnique pour se rappeler les règles du camouflage :

F = Fond : La camouflage doit permettre de se fondre dans le décor sans se détacher sur un fond. Le photographe longe plutôt les bords de chemins, les pentes plutôt que les crêtes… Adossez-vous à un abre pour mieux vous confondre dans le décor !

F = Forme : On peut changer la silhouette humaine en portant un chapeau, un filet de camouflage en écharpe, en masquant le visage avec une cagoule et les mains avec des gants, en se tenant accroupi dès que possible…

O = Ombre : Se tenir dans les zones d’ombre rend notre présence moins visible (avec une tenue adaptée). Si vous devez marcher le long d’un chemin choisissez de longer le côté à l’ombre.

M = Mouvement : Les animaux sauvages et particulièrement les mammifères sont très sensible au mouvement. Le photographe doit se mouvoir très lentement.

E = Éclat : Les reflets sur les surfaces brillantes (montre, jumelles, objectif…) sont très visibles. Masquez ces surfaces et placez le pare-soleil sur l’objectif.

C = Couleurs : Même si les couleurs sont mal perçues par les mammifères, le camouflage reprend les couleurs et les motifs présents dans la nature.

B = Bruit : Le moindre bruit trahi notre présence (marche bruyante, craquement de branche, cliquetis, déclenchement, frottements de certains vêtements…). Apprenez à marcher sans bruit. Pour le reflex ,il existe des housses anti-bruit et pour les hybrides des modes de déclenchement silencieux. Evidemment, il convient de désactiver tout signal sonore sur l’appareil. Si vous sortez en binôme, évitez de parler.

L = Lumière : La nuit tout lumière se voit de loin. Une lampe frontale à la lumière rouge est moins éblouissante. Quelques mammifères perçoivent la lumière infrarouge (barrières ou leds des pièges photo).

0 = Odeur : Il existe des produits anti-odeur. Le mieux est de ne pas prendre de douche ou de se parfumer avant une sortie. De même évitez de sortir avec des vêtements fraichement lavés. Les mammifères ayant un odorat extrêmement développé, le mieux est de marcher contre le vent ou d’avoir le vent de côté. Vous pouvez prendre la direction du vent avec de la farine, de la poudre légère (genre poudre de magnésie utilisée pour l’escalade placée dans un flacon souple) ou à l’aide d’une flamme de briquet.

T = Traces : La présence de traces (empruntes, laissées…) est révélateur de la présence d’animaux. Il vous appartient aussi de minimiser les traces de votre passage pour plus de discrétion.

Le camouflage à la « mode Ghillie » inspiré par les snipers et le paintball vous fera ressembler à un buisson vivant. Efficace mais pas pratique pour passer dans les broussailles !

Si vous devez vous poster à proximité d’un terrier procédez avec précautions en vous rapprochant progressivement. La renarde peut déménager sa nichée si elle sent une menace.

N’oubliez pas que votre présence dans une cave ou une grotte peut provoquer le réveil hivernal ou le dérangement estival de nurseries de chauve-souris, avec des morts certaines.

« Les parcs animaliers, comme celui de Sainte-croix en Moselle, peuvent être un bon terrain d’entraînement ou d’essai pour votre matériel. Il s’agira notamment de maîtriser l’autofocus et le cadrage. »

Pour réussir rapprochez-vous d’associations locales ou régionales pour connaître les publications disponibles sur votre région, les endroits d’observation autorisés. Sortez régulièrement au même endroit pour acquérir une bonne connaissance de terrain, apprenez à reconnaître les traces et les indices de présence. N’oubliez pas que la photographie animalière d’oiseaux ou de mammifères ce n’est pas que des portraits, tentez les ambiances ou l’animal dans son environnement.

La littérature :

De nombreux sites ou ouvrages de référence donneront des renseignements utiles sur les habitudes de vie des oiseaux ou des mammifères sauvages. Les « bibles étant sans conteste « Les mammifères sauvages d’Europe » (tome I et II) de Robert Hainard dans lequel l’auteur livre ses observations accumulées lors de milliers d’heures d’affût et les ouvrages de Paul Géroudet. Ces livres sont devenus rares et ont une valeur de collection. Il existe aussi des atlas régionaux pour les mammifères ou les oiseaux. Regardez les liens proposés dans l’article La photo animalière et de nature.